lundi 28 octobre 2019

Iacobus, de Matilde Asensi




Ce roman porte le sous-titre « Une enquête du moine-soldat Galceran de Born ». De fait, ce n’est que dans les dernières pages que l’on comprend le lien avec le titre du livre.
Décidément, je ne suis pas fan de Matilde Asensi. Pourtant, l’histoire avait de quoi me plaire.
Galceran de Born, moine-chevalier de l’ordre des Hospitaliers, est mandaté par le Pape pour retrouver le trésor des Templiers, dont l’ordre vient d’être dissout. L’intrigue se passe au début du XIVe siècle. Galceran, surnommé le Perquisitore, est médecin et un remarquable enquêteur. Sa renommée le met en première ligne et il accepte la mission qui va le conduire de Rhodes à Avignon, puis à Paris, pour aller ensuite jusqu’à Saint Jacques de Compostelle, et même au-delà, afin de mener à bien la mission que lui a confiée le Pape.

En route, il rencontre Sara, une étrange jeune femme juive qui connaît tous les arts de la magie. Il est aussi accompagné de Jonas, dont on apprend très vite qu’il est le fils naturel de Galceran, né des amours juvéniles de ce dernier avec Isabelle de Mendoza, que Galceran s’est donné pour mission personnelle de retrouver.
Les choses, bien sûr, vont se compliquer, sinon ce roman serait un peu plat. Et j’avoue que l’intrigue est bien menée, bien écrite et très prenante. En gros, on a vraiment envie de savoir ce qu’il va advenir des personnages et de leur quête.

Seulement, je suis déçue. Du point de vue de l’évolution des personnages, j’ai simplement eu l’impression que l’auteur a repris la même trame que pour Ottavia, la religieuse qui finit par quitter son ordre pour vivre avec Farag, dans « Le Dernier Caton ». Même chose ici : Galceran quitte les Hospitaliers pour vivre avec Sara, renonçant à ses vœux.

Ce qui me gêne ici, c’est la profonde immoralité du personnage principal, qui devient, pour moi, un véritable « anti-héros », mais pas dans le sens où l’on entend habituellement ce terme. Ici, il ne s’agit pas du tout du personnage principal qui n’a rien d’un héros mais qui va quand même se retrouver dans l’obligation de résoudre l’énigme malgré lui. Non, il s’agit là d’un héros sympathique au départ, doté de facultés impressionnantes et plutôt sympathique, avec des principes élevés, qui se retrouve gagné par l’esprit du monde (tout comme Ottavia dans « Le Dernier Caton »), et dont la figure héroïque se métamorphose petit à petit en celle d’un homme banal, qui n’a plus rien de l’homme exceptionnel qu’il était au départ. Galceran use et abuse du mensonge, de la manipulation (à l’encontre de Jonas, en particulier), sans parler du fait que l’auteur lui fait vivre des choses contraires à son état de vie, tout en présentant ce reniement comme une bonne chose pour l’épanouissement de son personnage principal. Ce retournement est exactement le même que dans « Le Dernier Caton » : l’auteur, à la fin de son récit, montre le retournement de la situation comme un bien objectif, alors même que l’histoire n’est que trahison, revirements, manquements à la parole donnée et aux engagements pris… On nage donc en plein relativisme, et cet aspect m’est purement et simplement insupportable. Il est, hélas, bien dans l’esprit du monde d’aujourd’hui où l’on veut faire passer des choses intrinsèquement mauvaises pour des choses bonnes…
En creux, Matilde Asensi dit qu’il n’est pas possible d’être pleinement heureux si on ne vit pas une vie sexuelle épanouissante. De fait, elle dénature la vocation religieuse et le célibat, qui n’est sous sa plume qu’un pis-aller pour celui (ou celle) qui a donné sa vie à Dieu, jusqu’à ce qu’il (ou elle) ait rencontré l’âme sœur. C’est méconnaître totalement les conditions de vie et d’accès à la vie religieuse et, surtout, les raisons pour lesquelles des hommes et des femmes acceptent cet état de vie.
Je sais bien que l’histoire se passe au Moyen-Âge. Et sans doute aurais-je été moins catégorique si j’avais lu « Iacobus » avant « Le Dernier Caton », parce qu’au Moyen-Âge, il est possible que nombre de religieux et de religieuses n’aient pas réellement choisi d’entrer dans les Ordres. Mais là, il se trouve que Matilde Asensi utilise les mêmes ressorts pour des intrigues différentes, dont l’une se situe au début du XXIe siècle, où la crise des vocations dans l’Église, qu’il s’agisse des vocations sacerdotales ou religieuses, fait penser qu’il ne s’agit plus du tout d’un non-choix ou d’une erreur de parcours…

Alors soit il s’agit d’ignorance de la part de l’auteur, mais j’en doute fortement, si on regarde l’érudition dont elle fait preuve dans ces deux romans, soit c’est une volonté délibérée et une sorte de message que l’auteur veut faire passer.
Soit.
Je veux bien que l’écriture, y compris de fiction, soit un moyen de faire passer une idée. C’est finalement à cela que servent les livres. C’est juste dommage que ce soit le même message plusieurs fois de suite ! Je suis sûre que Matilde Asensi a bien d’autres choses à dire…

Ceci étant, j’ai beaucoup aimé la coïncidence qui a voulu que je lise ce roman où les personnages sont sur le chemin de Compostelle au même moment que le chemin que faisait ma cousine vers St Jacques… Elle postait sur Facebook des photos de son périple et, plusieurs fois, ces photos montraient les mêmes villages que ceux que traversaient Galceran et ses compagnons… Marrant, non ?

Paru aux éditions Gallimard (Folio Policier), 2007. - ISBN : 978-2-07-030088-4.

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