samedi 12 octobre 2019

Yoko Tsuno, tome 27 : Le Secret de Khany, de Roger Leloup




Nous retrouvons Yoko, Emilia, Rosée, Vic, Pol, Mieke et Angela en Écosse, dans le cottage que Cécilia a mis à la disposition de Yoko et de ses amis afin qu’ils aient un pied-à-terre discret. C’est apparemment là que toute la bande a élu domicile depuis « La Servante de Lucifer », et Khany connaît bien l’endroit pour y avoir retrouvé Yoko et rencontré Emilia. Là encore, Khany revient de l’espace et s’invite dans la nuit écossaise, après la destruction par Emilia d’un robot qui survolait la propriété et s’en est pris à Yoko. L’engin explose en vol et fonce droit dans le lac où Khany et Yoko vont le récupérer. Apparemment, ce robot prend Yoko pour Khany et celle-ci est inquiète pour la sécurité de son amie, d’où son arrivée nocturne.
Khany explique ainsi à Yoko qu’elle a découvert un programme lancé par Karpan (voir « Le Trio de l’Étrange » et « La Forge de Vulcain ») et dont un sujet est présent au sein d’une section d’adolescents en léthargie que Lâthy et Khany étaient chargées de vérifier. Or ce programme consiste en une purification de la terre en y éliminant microbes et bactéries, afin de permettre aux Vinéens alliés à Karpan de conquérir la surface terrestre sans danger. Ce programme a bien sûr été arrêté, car il détruirait toute vie sur Terre. Mais il était enregistré dans la mémoire d’une surdouée que, par prudence, les Vinéens ont alors maintenue en léthargie. Sauf que l’adolescente en question s’est échappée de son étui et a utilisé une navette pour se rendre sur Mars, où elle compte profiter d’un « accélérateur-lanceur » pointé vers la Terre pour y activer le programme. Le danger de voir la vie s’éteindre sur Terre est donc réel, aux dires de Khany, et celle-ci invite Yoko à se joindre à elle pour aller sur Mars récupérer l’adolescente et le programme afin de préserver leurs vies à tous.

Yoko décide d’accepter la mission, en emmenant avec elle Vic, Pol, Emilia et Rosée. Poky et Lâthy font bien sûr partie du voyage et l’équipage se met rapidement en route. Mais Yoko découvre rapidement que Khany ne lui a pas tout dit sur l’origine de l’adolescente qu’elles sont chargées de récupérer. En réalité, cette jeune fille est issue de manipulations génétiques : il s’agit d’un « être hybride aux vertus vinéennes et terriennes capable de résister aux agents pathogènes qui infestent la Terre. » Seulement cet être biologique artificiel n’est pas capable de réflexion et uniquement programmé pour exécuter le plan qui lui a été inculqué…

Les deux jeunes femmes mettent les pieds sur Mars et y sont accueillies par des robots qui les emmènent dans le sous-sol de la planète Rouge où elle vont découvrir un complexe d’origine vinéenne ainsi que le fameux lanceur. Elles y rencontrent aussi Têvy, la jeune hybride, mais Khany devient très vite l’otage de Gorka, le second de Karpan, qui poursuit le projet de son ancien maître et veut se servir de Khany pour éviter la destruction, par les Vinéens, du module qu’il va envoyer sur Terre afin d’y détruire toute vie…

Du côté visuel et graphique, c’est toujours inventif et le jeu des couleurs, entamé depuis quelques albums sur le mode du camaïeu, est vraiment magnifique. Certains personnages ont des visages un peu trop anguleux à mon goût… confirmant encore une fois que cette évolution dans le dessin n’est pas ma préférée dans la série.

Cet album est plutôt étrange et ma première pensée, quand je l’ai lu, a été qu’il commence à y avoir beaucoup de monde dans cette série. Heureusement, Roger a la sagesse de ne donner une place « active » qu’aux personnages réellement indispensables à l’intrigue, ou qui ont une raison vitale d’y être. En l’occurrence, les enfants (Rosée et Emilia) n’ont qu’une place secondaire dans l’histoire, mais les laisser sur Terre aurait été dangereux, puisque Khany était la véritable cible de l’attaque que Yoko a essuyée et que, de fait, les enfants auraient été en danger si elles étaient restées seules sur Terre…

Si l’intrigue change de lieu au fil des albums (on passe de Vinéa au sous-sol terrestre puis à Mars), les univers graphiques vinéens restent très facilement identifiables. Comme une sorte de repère visuel qui confère aussi son identité à l’histoire. Cependant, les différents « mondes » créés par Roger Leloup s’interpénètrent de plus en plus, complexifiant toujours davantage l’intrigue et l’atmosphère de la série.
Cependant, les mêmes principes restent toujours valables : malgré les circonstances qui, dans notre monde actuel et notre culture américanisée, auraient justifié un meurtre de la part de Yoko envers Gorka, c’est toujours son respect de la vie qui prime. Quand mort il y a, ce n’est pas elle qui en est la cause. Ici, en l’espèce, c’est Myna qui appuie sur le bouton qui déclenche la bombe qui tue Gorka, Yoko ne pouvant moralement pas s’y résoudre. Faut-il y voir une sorte de « pirouette » de l’auteur afin que son héroïne ne se salisse pas les mains ? Ou bien une distinction entre la morale et la conscience d’un être humain doté d’une éthique et la logique froide et pratique d’un robot, fût-il « intelligent » ?
En tout cas, Roger parle ici, en creux, du respect de la vie, et de toute vie, même de celle d’un hybride conçu à des fins meurtrières, à partir du moment où cette vie existe. Même si ce n’est sans doute pas la volonté de l’auteur, j’y vois très nettement une notion qui est importante pour nombre de croyants aujourd’hui : le respect de la vie dès sa conception et le combat pour le droit à vivre, contre l’avortement et l’euthanasie. Sans doute est-ce aller un peu loin en ce qui concerne Roger Leloup, qui s’est toujours bien gardé de lancer ses héros dans des aventures politiques, mais il est de mon droit de lectrice de faire les parallèles… tout en sachant parfaitement d’où ils viennent. C’est-à-dire de ma propre réflexion. Roger, si vous lisez ce billet, j’espère que vous ne vous méprendrez pas sur mes intentions ! :)
En tout cas, la série reste fidèle à ce qui a fait son succès et aux valeurs humanistes de Yoko : le respect de la vie, l’abnégation, le courage, qui peut aller, comme dans le cas de Khany et de Têvy, jusqu’à la volonté de donner sa vie pour sauver celles des autres…


Comme pour chacun des derniers albums, depuis « Le Septième Code », celui-ci a été l’objet d’une édition en grand format, intitulé « Esquisses d’une œuvre ». Qualité irréprochable, comme toujours !

Paru aux éditions Dupuis, 2015. ISBN : 978-2-8001-6339-0

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