mardi 15 octobre 2019

Yoko Tsuno, tome 29 : Anges et Faucons, de Roger Leloup




Dernier opus de la série, « Anges et Faucons » est un album différent des autres, en ce sens qu’il comporte plus de pages que les autres (64 contre 48 environ). Autre particularité : il regroupe en fait deux histoires distinctes, que l’on peut identifier dans le titre : la partie « Anges », où l’histoire est centrée sur Emilia et Bonnie, et la partie « Faucons », où Yoko est envoyée en mission par « Milord », son employeur des services secrets anglais dans « Message pour l’Éternité ».

Le début de l’album se déroule dans le passé, où Emilia utilise la machine à voyager dans le temps de son aïeul (« Le Maléfice de l’Améthyste ») pour sauver deux enfants dont elle a découvert les tombes dans « l’Enclos des anges » du cimetière où repose sa tante Gloria.
Prévenue par Bonnie, Yoko emprunte avec elle le module temporel pour venir en aide à Emilia, en octobre 1935. C’est l’occasion pour Roger Leloup de donner libre cours à sa passion pour les trains et les avions : l’accident qui doit coûter la vie aux enfants est provoqué par un train et l’intervention de Yoko, avec l’avion de la fille de Sir Archibald, l’ancêtre d’Emilia, permettra de résoudre la situation sans autre dégâts qu’une voiture écrasée par une énorme pierre.
Après leur retour, Yoko, Emilia et Bonnie découvrent « l’enclos des anges »… où de nouvelles questions se posent pour Emilia sur les effets de ses initiatives dan sle passé, qu’il vaut peut-être mieux, parfois, laisser dormir…

À peine rentrées, Yoko reçoit un appel téléphonique de « Milord », un officier des renseignements britanniques qui envoie Yoko en mission très spéciale : une « princesse égyptienne » doit être rendue à sa terre natale…
Yoko, Vic et Pol se retrouvent alors, avec Emilia, au cœur d’une intrigue où le Handley-Page « Horus » tient le rôle principal. Yoko avait participé au sauvetage de cet avion, dans « Message pour l’Éternité » Il est hébergé à la S.A.C., une entreprise écossaise qui rénove des avions de seconde main. Yoko et Emilia vont y rencontrer Dinah, la pupille du propriétaire, qui cache un lourd secret.
Mystère, ésotérisme, menaces, danger, trahison… tous les ingrédients sont réunis pour faire de cette histoire une belle et prenante aventure.
Emilia y gagne une amie qui viendra habiter le cottage à Loch Castle, sous la tutelle de Cécilia, propriétaire du château.

Cet album est le dernier-né de la série. Roger Leloup est né en 1933, il a donc plus de 85 ans… et reste d’une grande tendresse envers ses héros et héroïnes. Les deux histoires racontées ici parlent bien de cette tendresse et de l’humanisme de Roger, sorte de fil rouge de tous les albums écrits au fil de ces décennies (le premier album est paru dans le magazine « Spirou », sous forme d’épisodes, de mai à septembre 1971, il y a donc pas très loin de 50 ans…).
Du point de vue du dessin, les paysages et décors, les avions, trains et voitures sont toujours superbes, précis et très détaillés, comme Roger Leloup nous y a habitué au fil du temps. À eux seuls, ces dessins sont d’une très grande précision et dignes de figurer dans les notices techniques, si vous voulez l’avis d’une non-experte…
Je suis un peu plus réservée sur les personnages, qui perdent, au fil des albums, de leur beauté, même si, dans certaines cases, ils restent très beaux, tendres et réconfortants. Je ne sais pas trop à quoi c’est dû : on ne peut pas suspecter Roger Leloup de manquer de sûreté dans son trait, sinon cela se ressentirait aussi dans les décors, les engins divers et variés… Peut-être une évolution naturelle à laquelle j’ai du mal à m’habituer, moi qui ai « grandi » avec la série, spécialement avec les albums parus à partir de 1975, donc « Les Trois Soleils de Vinéa » et les suivants…
J’ai l’impression que Roger était dans une sorte d’urgence, en écrivant cet album. Soit il n’avait pas le temps de développer et de dessiner les deux histoires, soit il voulait absolument les écrire avant, peut-être, de ne plus pouvoir le faire ? Je ne sais pas dans quel état de santé il se trouve… J’espère simplement que cet album n’est pas encore le dernier !



Comme tous les nouveaux albums depuis « Le Septième Code », celui-ci sort au début du mois d’octobre dans la version grand format. J’ai commandé cet ouvrage, mais à l’heure où j’écris ces lignes, je ne l’ai pas encore reçu… Je compléterai donc ce billet quand je l’aurai entre les mains !

Edit du 21 octobre : J'ai reçu l'album il y a quelques jours, la période étant compliquée, je ne l'ai lu qu'hier soir. Eh bien, je suis plutôt bluffée. Comme dans les autres « Grands formats », cet album-ci gagne réellement à être lu « en grand ». Le dessin y semble plus doux, par exemple.
Et puis, je me suis fait la réflexion suivante : les premiers albums, à force de les lire et de les relire, je les connais plus que par cœur. Je les comprends aussi bien mieux que les derniers que je n'ai lu que deux fois maximum. Or Roger Leloup n'écrit jamais des intrigues simplistes. Loin de là. Au contraire, il fait réellement vivre à ses personnages des histoires où les interactions, souvent nombreuses, complexifient les aventures, où les sentiments des uns et des autres entrent vraiment en ligne de compte et où les ressorts des intrigues sont le plus souvent masqués et ne peuvent être découverts qu'après une lecture très attentive et soutenue. Tout, en effet, est important : les dialogues, bien sûr, les textes dans les cases, évidemment, mais aussi les expressions des personnages, les décors, les détails (et ils sont nombreux) des cases...
Ce grand format possède un cahier graphique de 32 pages, comme les autres grands formats de la série et c'est un véritable bonus pour le lecteur, qui peut ainsi entrer plus rapidement dans ce qui fait le fonds de l'histoire, ce qui a déclenché son écriture (ici, les souvenirs d'enfance de l'auteur). On entre aussi plus vite dans la manière dont il a pensé l'intrigue, les difficultés techniques, liées au format BD par exemple, où la place de l'image est prépondérante et où beaucoup d'éléments doivent passer par le dessin, sinon l'intrigue risque de tourner au mauvais roman... En bref, à moins de lire et de relire les bandes dessinées des dizaines de fois pour en sortir toute la substance et toutes les subtilités, la version « grand format » est un véritable bonus pour le lecteur et pour entrer plus profondément dans l’œuvre.
Finalement, tout ce que je dis là est très basique et je le comparerais volontiers à la contemplation d'une œuvre picturale contemporaine. Il est aisé d'y mettre ce que l'on veut, d'y voir ce que l'on cherche à voir. Mais l’œuvre elle-même devient bien plus intéressante si on a l'auteur pas trop loin et qu'on peut discuter avec lui pour entrer dans ce qui fait son essence... on gagne du temps ! Et, cerise sur le gâteau, on risque moins le contresens...
Heureusement que j'ai plus de 40 ans et que j'ai grandi avec cette bande dessinée. Parce que, hormis pour « La Frontière de la vie », il n'existe d'albums grand format que pour les derniers... sauf pour « L'Astrologue de Bruges », le vingtième épisode, lui aussi doté, tel un galop d'essai, de quelques pages de croquis et de textes de la main du Maître sur l’histoire de la bande dessinée et de ses héros principaux...
Dupuis a toutefois eu la bonne idée, avec Roger Leloup, d'éditer des intégrales de la série, en format classique, mais augmentées d'un dossier conséquent sur les trois albums qui composent chaque volume. De quoi rattraper les choses et entrer davantage dans la philosophie de la série.

Paru aux éditions Dupuis, 2019. ISBN : 978-1-0347-3803-8.

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