Une amie de mon fils, coréenne, m’a offert deux livres de Han Kang, lorsque nous nous sommes rencontrées en janvier. « La Végétarienne » est le premier des deux, et, si je ne connaissais pas du tout cette auteure, j’ai été très agréablement surprise. Si toute son œuvre à à l’image de ce roman, je comprends pourquoi elle a reçu le Prix Nobel en 2024 !
Yonghye se réveille, une nuit, et vide le réfrigérateur de toute la viande qu’il contient. Au grand étonnement de son mari, puis de sa sœur et de ses parents, elle devient végétarienne, mais ne semble pas vouloir s’arrêter sur le chemin du dépouillement. Jusqu’à l’absolu.
Ce qui m’a le plus marquée, c’est la construction du roman en trois parties bien distinctes, toutes écrites à la première personne, mais la personne changeant à chaque fois. La première est écrite du point de vue du mari de Yonghye, la seconde de son beau-frère et la troisième de sa sœur. Trois personnages principaux qui ne sont en réalité que des personnages secondaires, témoins impuissants, fascinés, de la lente descente de Yonghye vers la folie.
Depuis un peu plus de deux ans, je travaille comme aumônier en hôpital psychiatrique. Et le récit dit bien l’incompréhension des proches face à la maladie. Là où la raison, la contrainte, n’ont plus aucune place face à l’angoisse existentielle du patient, qui est plus forte que la peur, même de la mort.
J’ai trouvé ce récit très dur (notamment la deuxième partie) et violent, mais, paradoxalement, cette dureté et cette violence sont décrites avec une grande douceur. Comme si le lecteur entrait avec Yonghye dans un monde cotonneux, presque irréel…
C’est la première fois que je regrette de ne pas pouvoir lire certains livres dans leur langue originale. Si la traduction française est si belle, j’ose espérer qu’elle rend fidèlement la plume de Han Kang. Parce qu’un livre, ce n’est pas qu’une histoire. C’est aussi un style, un univers mental que la traduction trahit toujours, au moins un peu, au moins en partie.
En tout cas, le travail des deux traducteurs, Jeong Eun-Jin et Jacques Batilliot est remarquable. J’ai hâte de lire le deuxième livre de cette magnifique auteure. Quand j’aurai un peu de temps !
Merci Ji-Young, pour cette très belle découverte.
Paru aux éditions LGF, 2016. - (Le Livre de Poche). - ISBN : 978-2-253-06790-0.